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Mort, sexe & be bop


Micro moments de poésie, ça sonne comme un copié-collé d’une critique de ciné bidon… mais quand même c’est vrai… et si c’est « poétique » ce n’est pas parce que parfois c’est joli, c’est parce que parfois c’est cru. « Just what it is ». Beaucoup plus direct que n’importe quel « réalisme ». Pas tant pour ce que ce film décortique de l’échange de salive que pour la manière dont il pose sans le dire l’absurdité de la mort. La mort est aussi absente de la mise en bière que le désir déserte l'explicitation éthologique de sa mise en corps.



Si l'appétit des vers condamne à mort le défunt

- oui, on sera bouffé par les vers, ils commencent par les yeux, c'est mou -

il s'agit aussi de se taire, être bête,

pour qu'alors tout un bestiaire assouplisse la relation à l'autre de petites délicatesses

- non, la langue désirante n'est pas une limace.



Il va mourir, ils vivent ensemble depuis 23 ans, présentations tardives, comme s’il était indispensable de se dire bonjour pour se dire adieu, dans le même mouvement

Elle « Dis mon nom »

Lui « ma petite Marina »

Elle « sans le petite »

Lui « Marina »

Elle « encore »

Lui « Marina »

Elle « encore »

Lui « Marina »

Elle « encore »

Lui « encore »

Elle « Marina »

Lui « Papa »



Tissage de la mort et du sexe.

Comment la mort de son père peut réconcilier sa fille avec son sexe ?

Son sexe à lui

(de « je t’ai imaginé nu, toi tu es un extraterrestre sans piston sans valise sans âme sans cœur »

à « Bella, baise mon père »)

Son sexe à elle-même

(de « j’aime les seins des femmes, ils ne m’excitent pas, je les admire »

à « tu ne bandes pas ? Il bouge un peu… c’est toi qui le fait bouger ? »)




« J’ai fait un film à propos de quatre personnes qui se trouvent au même endroit pendant une brève période. Trois personnes qui deviennent quatre puis deux. Trois étant, bien sûr, la configuration parfaite de toute relation. » Athina Rachel Tsangari


Action rajeunissante de l’altérité


« […] il existe une opposition tranchée entre les « instincts du moi » et les instincts sexuels, les premiers tendant vers la mort, les derniers au prolongement de la vie. […] c'est seulement aux premiers que nous avons cru pourvoir attribuer un caractère de conservation ou, plutôt, en rapport avec la tendance à la répétition. D'après notre manière de voir, en effet, les instincts du moi, nés le jour où la matière inanimée a reçu le souffle de vie, tendraient au rétablissement de l'état inanimé.

De l'ensemble [des] recherches [sur l’(im)mortalité des protozoaires] nous relèverons deux faits qui semblent nous fournir un appui solide. Le premier fait est le suivant : si, à une époque où ils ne présentent encore aucune altération en rapport avec la vieillesse, les animalcules [infusoire cilié, en forme de « pantoufle »] réussissent à se fondre ensemble, à « s'accoupler » (pour, au bout d'un certain temps, se séparer de nouveau), ils sont épargnés par la vieillesse, ils subissent un « rajeunissement ». […] Mais l'action rajeunissante de la copulation peut être remplacée par celle de certaines irritations, de certaines modifications dans la composition du liquide nutritif, par l'élévation de la température, par des secousses. […]

Le deuxième des faits dont nous venons de parler est celui-ci : […] ce sont seulement les produits de leur propre métabolisme qui exercent sur les générations [une] action nocive. Dans une solution, en effet, saturée de produits de déchet provenant d'une autre espèce, suffisamment éloignée, les animalcules prospéraient admirablement, alors qu'ils périssaient immanquablement au milieu de leurs propres produits. Abandonné à lui-même, l'infusoire meurt donc d'une mort naturelle, par suite de l'élimination imparfaite de ses produits de désassimilation. Il se peut d'ailleurs qu'au fond tous les animaux supérieurs meurent par la même cause.

[…] Mais par quel moyen la fusion de deux cellules peu différentes l'une de l'autre produirait-elle une pareille rénovation de la vie? Les tentatives faites pour remplacer la copulation des protozoaires par des irritations chimiques, voire mécaniques, nous fournissent à cette question une réponse certaine : cette rénovation s'effectue à la faveur de l'afflux de nouvelles quantités d'excitations. Mais ceci s'accorde fort bien avec l'hypothèse que le processus vital de l'individu tend, pour des raisons internes, à l'égalisation des tensions chimiques, c'est-à-dire à la mort, alors que son union avec une autre substance vivante, individuellement différente, augmenterait ces tensions, introduirait, pour ainsi dire, de nouvelles différences vitales qui se traduiraient pour la vie par une nouvelle durée. »

Freud, S. (1920) Au-delà du principe de plaisir, chap. 6 : Dualisme des instincts, instinct de vie et instinct de mort. [texte intégral]


A quoi avons-nous joué?



Lettre de Françoise Dolto (?!)

« Le Père Noël a été pendu hier après-midi aux grilles de la cathédrale de Dijon et brûlé publiquement sur le parvis. »

« Le Père Noël est donc, d’abord, l’expression d’un statut différentiel entre les petits enfants d’une part, les adolescents et les adultes de l’autre. À cet égard, il se rattache à un vaste ensemble de croyances et de pratiques que les ethnologues ont étudiées dans la plupart des sociétés, à savoir les rites de passage et d’initiation.

« Il est bien certain que rites et mythes d’initiation ont, dans les sociétés humaines, une fonction pratique : ils aident les aînés à maintenir leurs cadets dans l’ordre et l’obéissance. Pendant toute l’année, nous invoquons la visite du Père Noël pour rappeler à nos enfants que sa générosité se mesurera à leur sagesse; et le caractère périodique de la distribution des cadeaux sert utilement à discipliner les revendications enfantines, à réduire à une courte période le moment où ils ont vraiment droit à exiger des cadeaux. Mais ce simple énoncé suffit à faire éclater les cadres de l’explication utilitaire. Car d’où vient que les enfants aient des droits, et que ces droits s’imposent si impérieusement aux adultes que ceux-ci soient obligés d’élaborer une mythologie et un rituel coûteux et compliqués pour parvenir à les contenir et à les limiter? On voit tout de suite que la croyance au Père Noël n’est pas seulement une mystification infligée plaisamment par les adultes aux enfants; c’est, dans une très large mesure, le résultat d’une transaction fort onéreuse entre les deux générations.

« La « non-initiation » n’est pas purement un état de privation, défini par l’ignorance, l’illusion, ou autres connotations négatives. Le rapport entre initiés et non-initiés a un contenu positif. C’est un rapport complémentaire entre deux groupes dont l’un représente les morts et l’autre les vivants.

« Dans la mesure où les rites et les croyances liées au Père Noël relèvent d’une sociologie initiatique (et cela n’est pas douteux), ils mettent en évidence, derrière l’opposition entre enfants et adultes, une opposition plus profonde entre morts et vivants.

« Mais qui peut personnifier les morts, dans une société de vivants, sinon tous ceux qui, d’une façon ou de l’autre, sont incomplètement incorporés au groupe, c’est-à-dire participent de cette altérité qui est la marque même du suprême dualisme : celui des morts et des vivants? Ne nous étonnons donc pas de voir les étrangers, les esclaves et les enfants devenir les principaux bénéficiaires de la fête. L’infériorité de statut politique ou social, l’inégalité des âges fournissent à cet égard des critères équivalents. En fait, nous avons d’innombrables témoignages, surtout pour les mondes scandinave et slave, qui décèlent le caractère propre du réveillon d’être un repas offert aux morts, où les invités tiennent le rôle des morts, comme les enfants tiennent celui des anges, et les anges eux-mêmes, des morts. Il n’est donc pas surprenant que Noël et le Nouvel An (son doublet) soient des fêtes à cadeaux : la fête des morts est essentiellement la fête des autres, puisque le fait d’être autre est la première image approchée que nous puissions nous faire de la mort. »

Claude Lévi-Strauss, Le Père Noël supplicié, LES TEMPS MODERNES, no 77, 1952, pp. 1572-1590. Paris: Les Éditions Gallimard. [le texte dans son intégralité]

discussion de ce texte, et autres [clic]

La mort : Mon ironie dépasse toutes les autres !



Odilon Redon (1840-1916)
Planche 3 de la série
À Gustave Flaubert. Six dessins pour la Tentation de saint Antoine

1889

He is gone


But when life lives things can be heard
things can be seen
That's just how it is
— The Other


Deux hommes, l’Un et l’Autre, sur un bateau ?

Un homme à la mer ?

L’Autre enveloppe l’Un de ses bras, de son pull, comme s’il voulait incarner l’âme de l’Un, comme s’il pouvait lui donner la vitalité de son corps, sa chaleur.

Life’s not so bad, is it?

Il est déjà trop tard. Vêtements de plomb, collant aux os saillants ; plus qu’une seconde peau, la chair même qu’ils recouvrent ; il sera désormais impossible de s’en dépouiller.

Dépouillée, cette pièce, épurée ; certains la diront évidée, absconse, prétentieuse ; n’est-ce pas ce qu’ils penseraient, non seulement de la pièce, mais aussi de l’Un et de son humeur dépressive, suicidaire ? N’entendent-ils pas ce que tous ses mots ne disent pas ?

Words, only words, heavy words.

Dépression ; impossible de dire, expliquer, justifier cette irrésistible peur de sauter, de franchir cette ligne ténue qui sépare la terre lourde et le corps pesant de la mer profonde et légère ; impossible de ne pas céder à la tentation hypnotique de l’apesanteur ; impossible de ne pas sombrer.

I didn't want to... I just did it.

Impossible de comprendre le poids d’une vie qui sombre, le poids des mots qui, s’ils sont prononcés, ne délestent pas, mais pèsent, enfoncent.

L’ancre est levée.

Le vent se lève.

L’Un s’allège enfin en cédant à la force qui l’attire vers le fond.

L’Autre s’écrase sous le poids de l’impuissance à justifier la vie.



“I am the wind”
Texte Jon Fosse
Traduction Simon Stephens
Mise en Scène Patrice Chéreau
L’Un Tom Brooke
L’Autre Jack Laskey
Théatre de la Ville, Paris, Samedi 11 juin 2011.



Becoming green



"The universal calculus of decay does not tolerate an abrupt mutation from human to tree, as Hieronymus Bosch’s tree-man might imply. In decay as a process of cosmogenesis, the tree and human are not two entelechies or perfected bodies of actuality which can be connected together via a straight line. Both ‘being a tree’ and ‘being a man’ are changing variables – rates of change between their respective actualities and potencies on the one hand and between their interiorities and the exteriority on the other. Therefore, the most veritable line of transition that can be drawn between a human and a tree is not a line connecting their fixed actualities or traits but a line that encompasses their existing actualities (given points) as well as their potentials and derivatives (even the remotest ones). The tree is itself a differential field of ideas – or in a Leibnizian sense a generative reservoir of smaller bodies – which themselves are changing and have their own derivatives; the same profusion with subtle bodies and movements is also applicable to man, its idea and its form. Therefore, in order for the line of putrefaction to draw gradients of decay between the man and the tree, it must encompass such ever-increasing (both in quantity and distance from their original ideas or formations as a whole) emerging bodies, ideas or derivatives. In interpolating between all these points and emerging values, the slimy line of rot becomes an ever-convoluting curve. For this reason, the nightmarish plunge of the human into the verdant inferno of growth is accentuated when the line between the human and the tree becomes infinitely convoluted, encompassing a cosmic array of beings which only differentially – that is to say, very remotely – connect to either the tree or the human. In other words, in decay, the object travels across a world of familiar and alien beings which may or may not have any immediate relationship or affinity with the decaying object" (pp. 416-7).

Negarestani, R. (2010) Undercover Softness, Collapse VI, p. 379-430.