A ma soeur (2000) de Catherine Breillat

A ma sœur! (Fat Girl). 2000. Catherine Breillat.
Vu le 31 Août 2010, à la Cinématèque Française (Paris), en présence de la réalisatrice.

Clichés! Clichés? Certainement. Mais il y en a tant qu’ils s’annulent presque les uns les autres. Une adolescente ‘trop grosse’ et sans illusion ne plait à personne, pendant que sa jolie grande sœur se laisse déflorer par un italien décapoté qui lui fait avaler sans peine sa « preuve d’amour ». A part ça ? Qui est Anaïs ? Son corps. On la voit à peine tant il s’impose. Caricaturé, trop serré dans ses vêtements. Mais elle se dévoile progressivement, doucement et sans fausse pudeur. Elle mange moins que sa mère ne fume ; en dit plus sur son désir à un pilier de piscine (extrait) que sa sœur à son amoureux ; et a autant le sens de l’humour que son père le sens des affaires. Pourquoi Anaïs est-elle ‘trop grosse’ ? Pour Eléna, sa sœur, « c’est évident, elle bouffe ». Et pourquoi Eléna est-elle si naïve ? Parce qu’elle est plus jolie ? Anaïs bouffe. Pourquoi ? « C’est hormonal » dit Maman ; « tant qu’on mange on ne pense à rien », dit Eléna en la gavant d’une tartine comme pour acheter son silence ; elle au moins elle « ne s’oublie pas » remarque Papa sans le vouloir. Tout ça semble dit en passant. Et pourtant. Reconnaitre les hormones de sa fille, n’est-ce pas – aussi, peut-être, un peu – méconnaitre son chagrin «qui a intérêt à passer, et vite », Papa s’est « taillé les veines » pour lui offrir des vacances, il mérite qu’elles soient heureuses. Tant qu’on mange on ne pense pas à quoi ? Au sexe ? A l’amour ? A sa garce de sœur ? Tant qu’Anaïs mange, son chagrin ne reflète pas la culpabilité d’Eléna. Pourtant, elle « ne s’oublie pas ». Elle n’oublie pas un instant qu’elle est là, seule, transparente aux yeux des passants et pointée du doigt par ceux qui restent. Elle sourit, mange, se couvre de crème, étouffe ses pleurs, comme si elle n’était pas touchée par les lèvres qui baisent celles de sa sœur, par le sexe qui pénètre celui de sa sœur. Comme si l’amour ne pouvait pas être mis en acte, la « première fois », elle veut que ce ne soit que du sexe. Seulement une transaction corporelle. Avec quelqu’un qu’elle n’aime pas. Parce que « c’est dégueulasse d’être vierge », de laisser son intimité être violée par qui pourrait se croire maître de son cœur, ce « bout de viande crue » qu’elle préfère laisser pourrir (extrait). Pour Eléna, au contraire, ce qui est obscène, c’est le désir du ‘crapaud’ qui ne se maquillerait pas en l’amour du ‘prince’. Bague au doigt, elle se raconte des histoires, et c’est pour les entendre encore, et les entendre de sa bouche à lui, le beau-parleur, que celle qui se désire désirable ‘princesse’ s’agenouille à ses pieds.
dl
Entretien avec Catherine Breillat à propos de A ma Soeur! [http]

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